20.9.09

Jan Voss




- Etes-vous sensible aux philosophies orientales qui, d'une manière générale privilégient l'idée de vivre dans le présent ?

- Un peintre passe un grand nombre d'heures de sa vie dans son atelier et se pose la question de savoir comment occuper ce temps. Il peut apprendre des techniques difficiles, peiner en les appliquant et perfectionner de plus en plus en plus son produit. Ou bien il essaie de se surprendre lui-même, de faire vibrer un moment. Il peut arriver à cette intensité de l'instant - ce que je recherche bien entendu - grâce à des moyens techniques non contraignants qui exigent peu de surveillance. J'utilise des couleurs à l'eau qui sèchent vite. Ainsi, l'esprit libre, je ne m'applique pas, je reste un peu distrait, je place une distance entre le faire et le vouloir, je retiens mon attention. Si on est trop attentif, on devient crispé, dirigiste. Il faut de la distance, du détachement, de l'ironie ; ne pas se prendre trop au sérieux. Quelque chose alors se passe vraiment. Je ne crois pas cela possible si on essaie de trouver un système et d'exécuter une copie conforme d'un modèle mental.
Je me suis amusé à utiliser certaines techniques - ce n'est pas sérieux ! - comme le jeûne, ne boire que de l'eau, porter des vêtements très légers, pour stimuler et alléger le corps. Car cela aussi a trait au mouvement de la main. On a trop tendance à considérer le corps uniquement comme un instrument, à avoir des théories bien construites avant de commencer à peindre, à prendre des directions limitées par des interdits. Ceci aboutit à une grande stérilité. Je fais semblant de n'avoir aucun interdit, mais évidemment on a toujours un modèle d'un projet, même si on ne veut pas l'admettre.
J'accepte aussi tout ce qui vient mal, les ratages car je ne peux revenir dessus. Je les intègre dans mon travail. Il y a souvent des choses qui se passent dans votre dos que l'on veut connaître. Ces choses, laissées sur la toile, qui paraissent d'abord insignifiantes, prennent à la longue un sens. C'est peut être celui de s'attraper soi-même par un autre bout ...

entretien avec Anne Dagbert dans Art Press n° 53 (novembre 1981)

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